Quand le pronostic vital de mon enfant atteint d’un cancer est engagé

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Grossesse sans alcool ni médicaments, bébé allaité, légumes du potager... Une vie simple dans une commune rurale, loin du tumulte et de la pollution.

M
ais voilà. Un jour, en changeant la couche de ma fille de 14 mois, j’ai senti quelque chose de dur dans son abdomen. Chez l’échographe, le diagnostic, annoncé debout dans le couloir, est sans appel.

« C’est une tumeur et pas une petite... Eh ben, bon courage ! Ne rentrez pas chez vous, le CHU vous attend. »

Nous nous assurons que notre fils ainé, qui aura bientôt 3 ans, est entre de bonnes mains et prenons la route pour le CHU. 48 heures vont ensuite s’écouler, au cours desquelles le choc est tellement violent que nous ne parlons que peu, écoutant avec attention les hypothèses les plus probables et les protocoles envisagés par l’équipe médicale.

Car, en effet, la tumeur n’est pas petite. Son volume de 800 ml a fait éclater le rein. Elle a envahi l’abdomen et vient au contact de la plupart des organes. On estime qu’elle pèse 1 kg, alors que notre fille, en fait à peine 10. A la question, « Va t-elle s’en sortir ? », il n’y a pas de réponse. Ils ne peuvent pas s’engager. Le cancer a déjà bien fait sa place. On ne peut plus sortir Manon de son lit d’hôpital à barreau, le risque est trop grand. Plus de bains, plus de câlins dans les bras.

Annonce. Etat de choc. Pourquoi nous ? Culpabilité. Recherche d’une cause. Nous passons toutes ces étapes en quelques jours. Elles sont les mêmes pour tous. C’est, en tout cas, ce que disent les dépliants posés sur les tables de la salle à manger des parents d’enfants hospitalisés. Nous, chrétiens, ne faisons pas exception. La famille, les proches, les gens de l’église appellent et manifestent leur soutien. Je me souviens de cette dame qui, pour me réconforter, m’a annonçé :

« Tu sais, nous sommes également très éprouvés, nos 2 voitures sont en panne... ».

Impossible de ne pas sourire aujourd’hui, mais je n’ai plus jamais décroché quand son numéro s’affichait ! La maladresse de certains dans l’entourage, fait en réalité partie du package livré avec la maladie. On ne peut que composer avec ! Il y a également ceux qui soupçonnent que cette maladie est une condamnation, conséquence d’un péché caché ou ceux qui estiment au contraire qu’elle est le sceau d’un grand ministère à venir. Et si tout simplement, Dieu faisait pleuvoir sur les justes comme sur les injustes.

Et puis, le moment est venu où nous nous sommes peu à peu redressés et avons fait face à la terrible réalité. Manon est malade et elle n’y survivra peut-être pas. J’ai un jour quitté la chambre parent-enfant du service d’oncologie pédiatrique, pour me rendre à la chapelle de l’hôpital.

Dans ce lieu simple et dépouillé, un ou deux versets de la Bible sont accrochés. J’aurais aimé qu’ils m’encouragent mais finalement, pas plus que ça. Alors, j’ai pris ma Bible puis j’ai prié intérieurement, ou plutôt, j’ai soupiré à Dieu, car rien d’intelligible ne pouvait être exprimé. Je suis resté là un certain temps, sans être dérangée, et dans sa grâce, Dieu m’a parlé. Au fond de moi, de manière claire, j’ai reçu cette parole.

« J’ai donné la vie de mon fils pour que ta fille vive. »

Une autre perspective de la croix s’est alors offerte à moi, une nouvelle compréhension, comme un voile qui tombe. Soudainement, le sacrifice de Jésus, c’est vie pour vie. Cela peut surprendre, mais j’ai préféré taire tout cela. Si je m’étais trompée, si j’avais imaginé cette parole moi-même et que mon enfant venait à décéder, je ferais plus de mal que de bien, en faisant naitre un espoir vain dans le coeur de mes proches. Alors, j’ai choisi de me taire et de conserver cette parole. Si elle est vraie, elle s’accomplira.

C’est un chemin, quelqu’un d’autre aurait proclamé, témoigné. Pas moi. Et on a bien le droit de vivre les choses à notre manière dans ces cas là. Il n’y a pas de chemin tout tracé pour les parents d’enfants malades. Chacun trouve le sien peu à peu, avec les ressources qu’il puise en lui et autour de lui. Parfois, la guérison est là et d’autres fois, non. Quelque soit l’issue, l’histoire continue et chacun l’écrit, comme il le peut et à son rythme.

Deux opérations, un arrêt cardio-respiratoire, l’exérèse du rein malade, 36 chimios et 12 mois plus tard, la rémission fut finalement déclarée pour Manon. Elle est aujourd’hui une collégienne pleine de vie, sportive et artiste.

Propos recueillis par H.L.


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