Covid en Chine : pourquoi une telle explosion des cas ? Quelles conséquences pour l’Europe ?

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La Chine est actuellement submergée par une importante vague d’infections et de décès due au Covid. Nous ne connaissons toutefois pas exactement la gravité de la situation, du fait des larges lacunes dans les rapports officiels… Tout porte néanmoins à croire que la situation est très difficile. Selon plusieurs médias, les hôpitaux et les morgues débordent et certaines provinces, comme le Henan, verraient leur population infectée à 90 %.

Au-delà de la fin de sa politique du zéro Covid début décembre, comment la Chine en est-elle arrivée là ? Et comment la situation peut-elle évoluer ?

Malgré la perception populaire selon laquelle la vague actuelle d’infections est le résultat direct de la levée des restrictions il y a un mois, ce n’est pas tout à fait vrai. Les cas étaient déjà en augmentation à ce moment.

En tant qu’épidémiologiste, je pense que cette explosion est en grande partie due au fait que la Chine a poursuivi sa stratégie de zéro Covid trop longtemps après avoir vacciné sa population.

Une mauvaise coordination par rapport à sa campagne de vaccination

Nous savons en effet que l’immunité conférée par les vaccins diminue dans les mois qui suivent l’injection. Un article actuellement en prépublication (donc une étude qui doit encore être examinée par d’autres scientifiques) a montré que, huit mois après le rappel, une grande partie de la protection contre l’infection est perdue. La protection contre les formes graves de la maladie est plus durable, mais elle s’amenuise également.

Or, la campagne de vaccination de la Chine a été en grande partie achevée en février 2022. Si l’on se fie à ces résultats préliminaires, son effet protecteur contre l’infection aurait donc largement disparu à l’automne. Quant à la protection contre les formes graves (et la mort), elle aurait également diminué.

D’autres pays avaient eu recours à une politique zéro Covid, et y ont également mis fin – tous avant la Chine. La Nouvelle-Zélande, par exemple, a pris cette décision peu après avoir terminé sa campagne de vaccination. Sans surprise, cette réouverture du pays a provoqué une recrudescence des infections… mais avec un taux de mortalité limité.

Autre point : La vaccination reste le moyen le plus sûr de se protéger contre le Covid… Mais de nouvelles recherches, toujours en prépublication, montrent que la protection contre les formes graves de la maladie grave est maintenue un peu plus longtemps après une infection naturelle et encore plus longtemps en cas d’« immunité hybride » (c’est-à-dire si une personne a été à la fois vaccinée et infectée de façon naturelle).

Moins au contact du Covid que la majorité des autres pays de la planète et moins protégée du fait de la baisse des effets de la vaccination, une assez faible part de la population chinoise disposait d’une immunité hybride lorsque la vague actuelle a commencé. Laissant ainsi la population plus vulnérable.

En outre, des rapports suggèrent que les taux de vaccination des personnes âgées (public particulièrement vulnérable au Covid) en Chine sont inférieurs à ceux des jeunes. Cela entraînerait également une augmentation des formes graves et des décès, parallèlement aux infections.

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Comment les choses pourraient-elles évoluer ?

Comme toutes les vagues précédentes, sans surprise, celle qui sévit actuellement en Chine culminera avant d’entamer son déclin. Mais quand son pic se produira, et quelle hauteur il atteindra, dépend du nombre d’infections qui se seront réellement produites – ce que nous ne savons pas, du fait du manque de données fiables.

Une société britannique de données sur la santé, Airfinity, a en effet estimé que depuis le 1er décembre, il y aurait eu 33,2 millions d’infections et 192 400 décès… Mais des notes ayant fuité d’une réunion de la Commission nationale chinoise de la santé organisée fin décembre laissent entendre qu’environ 250 millions de personnes (18 % de la population) auraient été infectées au cours des 20 premiers jours de ce mois ! Les implications en termes de dynamique épidémique de ces deux chiffres sont très différentes.

Si les vrais taux d’infection se situent dans la partie supérieure des valeurs estimées, le pic sera très élevé mais de relativement courte durée. Nous pourrions donc nous attendre à ce que le nombre de cas commence à baisser au cours des prochaines semaines. Si les taux d’infection sont à l’extrémité inférieure, les infections pourraient par contre rester élevées, avec possibilité de nouveaux pics pendant un certain temps.

Au Royaume-Uni, les taux d’infection dans les groupes plus âgés ont généralement été inférieurs à ceux des personnes plus jeunes – jusqu’à récemment, où les taux d’infection chez les plus de 60 ans sont alors passés devant. Cela est notamment dû au fait que, par précaution, les personnes âgées se mélangeaient généralement moins que les jeunes au début de la pandémie et qu’ils ressortent désormais davantage. Si cette tendance est suivie en Chine, le pays pourrait connaître une persistance des taux élevés de formes graves et de décès même après la baisse des taux d’infection.

Le Nouvel An chinois qui approche (début le 22 janvier), le premier sans restriction depuis le début de la pandémie (fin des quarantaines, etc.), pose également beaucoup de questions. Si les infections continuent à croître d’ici là, les voyages, rassemblements familiaux et célébrations associées augmenteront potentiellement encore les taux d’infection – et les pressions sur les services de santé déjà débordés.

Quelles options reste-t-il à la Chine ?

Il est peut-être trop tard pour vraiment modifier le cours de cette épidémie. Les estimations du nombre de reproduction du virus, ou R0 (le nombre moyen de personnes à qui une personne infectée transmet le virus), sont évalués entre 10 et 18 pour les variants en cause lors de cette vague – ce qui est parmi les plus élevés connus (avec la rougeole).

Avec un R0 si élevé, les interventions non pharmaceutiques telles que les confinements, les fermetures d’écoles et le port de masques pourraient ne pas être suffisantes pour contrôler la propagation du virus.

La Chine peut en revanche stimuler la vaccination au sein de sa population la plus âgée. Il n’est pas forcément trop tard pour que cela ait un effet bénéfique, car beaucoup de ces personnes évitent peut-être encore de se mélanger par crainte de la maladie et n’ont donc pas encore été exposées.

Quels risques pour le reste du monde ?

Contrairement à la Chine au début de cette vague qui la frappe, la plupart des autres pays, où le SARS-CoV-2 a largement circulé, disposent désormais d’une immunité et d’une protection élevées dans leurs populations contre les formes graves et les décès dus au Covid. Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies a de ce fait noté que la situation chinoise « ne devrait pas impacter la situation épidémiologique du Covid-19 » en Europe.

De plus, de ce que l’on sait, la majorité des variants identifiés en Chine sont issus des lignées BA.5.2 et BF.7 : ces lignées ont culminé en Europe l’été dernier et, avec le développement d’une immunité adaptée et efficace, elles déclinent désormais. Donc toute nouvelle introduction en provenance de Chine ne devrait pas augmenter considérablement le nombre d’infections.

La principale préoccupation pour l’Europe vient d’ailleurs : il s’agit du variant XBB.1.5, qui s’implante rapidement aux États-Unis depuis un mois. (Toujours plus transmissible, il est le produit de la recombinaison de deux autres variants comme l’indique son nom en « X ». Il est déjà présent dans une trentaine de pays, dont la France, où il se diffuse peu pour l’heure, ndlr)

Bien sûr, il existe un risque qu’un autre variant, inédit, émerge en Chine en raison du grand nombre d’infections… comme il pourrait apparaître ailleurs dans le monde.

À partir du 5 janvier, les personnes voyageant de la Chine vers l’Angleterre doivent passer un test Covid avant le départ. D’autres pays ont aussi adopté cette démarche. (L’Europe « encourage » ainsi ses États membres à demander un test négatif à l’embarquement en Chine, et à le compléter par des tests aléatoires à l’arrivée. Un séquençage des résultats positifs pourrait être recommandé pour identifier les nouveaux variants. Les eaux usées des toilettes des avions pourraient également être analysées dans cette optique, comme pour avoir une estimation du nombre de passagers contaminés, ndlr.)

Mais nous savons depuis bien avant le Covid que le contrôle aux points d’entrée et de sortie d’un pays est largement inefficace pour contrôler la propagation internationale de maladies infectieuses. Un tel dépistage s’est d’ailleurs avéré peu utile dès le début de la pandémie.

Et même si les tests aux frontières étaient efficaces pour contrôler la propagation du virus, son mérite dans des pays comme le Royaume-Uni ou en Europe – où le SARS-CoV-2 et nombre de ses variants circulent déjà – serait limité.

Paul Hunter, Professor of Medicine, University of East Anglia

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

 

Crédit image : Shutterstock / Graeme Kennedy

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