Nigeria : la victoire du "ticket musulman" Tinubu-Shettima à la présidentielle présentée comme un "djihad"

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Après une semaine de contestations, Bola Tinubu a été déclaré vainqueur de l’élection présidentielle par la Commission électorale nationale le 1er mars. Les chefs religieux islamiques ont soutenu sa candidature et celle de son colistier Kashim Shettima, présentant le ticket comme un "djihad politique" dans un pays où il y a presque autant de chrétiens que de musulmans.

La victoire du ticket Tinubu-Shettima dès le premier tour de la présidentielle, le 23 février, a été contestée par l’opposition qui dénonce des violences qui ont empêché des citoyens de se rendre aux urnes ainsi que des défaillances techniques systémiques lors du décompte électronique des voix. Les églises du pays avaient organisé une journée de prière le 4 novembre dernier, considérant que c’était un impératif en vue des élections "compte tenu du fait que [leur] nation traverse actuellement une période très difficile, malgré ses abondantes ressources naturelles, humaines et matérielles".

De leur côté, des religieux et des représentants de plus de 75 groupes islamiques de plusieurs États nigérians, avaient tenu une conférence de prière spéciale début janvier, dans le nord-ouest du pays, à Kano, pour obtenir la victoire de Tinubu et son colistier. La réunion avait eu lieu à l’appel du prédicateur Abdulmutallab Mohammed Auwal qui avait présenté sous l’angle djihadiste le duo issu du parti APC (All Progressives Congress – Congrès des progressistes).

"Un musulman est meilleur qu’un non-musulman"

Auwal a déclaré aux participants "qu’un musulman, où qu’il soit, est meilleur qu’un kafir [incroyant] ou un non-musulman, et [que s’ils réunissent] deux musulmans [sur le ticket], ils donneront la victoire qu’un musulman seul ne pourra obtenir". Le prédicateur a conclu son raisonnement en disant : "C’est pourquoi nous faisons comprendre aux gens que notre objectif principal est que le ticket musulman-musulman soit un djihad."

Si les religieux musulmans sont enthousiastes, c’est parce qu’un tel ticket est contraire à la tradition. Habituellement, les candidats à la présidence choisissent un colistier d’une autre religion que la leur. Ainsi, le président Goodluck Jonathan (2010-2015), un anglican, a eu un vice-président musulman et a été lui-même vice-président quand Umaru Yar'Adua, musulman, était le chef de l’État (2007-2010). L’actuel président, le musulman Muhammadu Buhari, a un vice-président évangélique, Yemi Osinbajo.

À cet enthousiasme répond la forte inquiétude des chrétiens, le Nigeria étant où ils subissent le plus de violences, selon le dernier Index Mondial de Persécution des Chrétiens présenté par Portes Ouvertes le 17 février. Selon l’ONG, 89 % des chrétiens tués dans le monde entre le 1er octobre 2021 et le 31 Septembre 2022 l’ont été au Nigeria, tout comme 90 % des chrétiens kidnappés. Le pays est le deuxième quant aux attaques contre les églises.

Officiellement, 51 % des 200 millions de Nigérians sont musulmans et 46 % chrétiens. Une situation qui ne devrait pas compter lors des élections selon Deji Adeyanju. L’activiste socio-politique a déclaré au Daily Post Nigeria, à la suite de la prière des musulmans, que ses compatriotes devaient "rejeter l’envie de voter pour des personnes selon des critères religieux et ethniques, dénonçant aussi bien l’appel de pasteurs à voter pour un candidat que celui d’Auwal.

Jean Sarpédon


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