Réforme de retraites, l’importance de la recherche sincère du bien commun

Réforme de retraites, l’importance de la recherche sincère du bien commun

L’adoption sans vote du repoussement de l’âge de départ à la retraite ajoute à la colère alors qu’une majorité de Français considéraient déjà le projet comme injuste, notamment parce que le chômage hachure les carrières. Ils ne se sentent pas écoutés et ne voient pas de solidarité dans les efforts.

"Le développement est impossible, s’il n’y a pas des hommes droits, des acteurs économiques et des hommes politiques fortement interpellés dans leur conscience par le souci du bien commun", affirme l’encyclique Caritas in Veritate (l’amour dans la vérité, 2009) de Benoît XVI qui renforce la Doctrine sociale de l’Église (DSE).

C’est un fait, la pyramide des âges, avec une proportion des 65 ans ou plus qui augmente (actuellement 21 % de la population), et l’espérance de vie en croissance jettent une ombre d’appréhension sur le financement ultérieur des retraites, alors que les plus jeunes actifs (15-24 ans) et les 25-49 ans sont proportionnellement les plus concernés par le chômage, devant les 50 ans ou plus, avec une nette surreprésentation des premiers (respectivement 17,3 %, 6,6 % et 5,2 % en 2022).

En chiffres bruts, les 25-49 ans sont de loin les plus nombreux avec 1 162 000 chômeurs, contre 574 000 pour les 15-24 ans et 498 000 pour les 50 ans ou plus.

Le taux de chômage des plus jeunes est passé au-dessus de 15 % après 1980 pour ne jamais revenir en deçà, et le passage de l’âge de la retraite à 64 ans à taux plein dès 2027 - à condition d’avoir travaillé 43 ans - est un exemple de la façon dont cette réalité est percutée par la réforme, tout comme est négligé le chômage de ceux qui sont proches de la retraite et devront attendre même jusqu’à 67 ans pour avoir une retraite sans décote.

"Ce problème du chômage est toujours particulièrement prégnant concernant de nombreux séniors à qui l’on va demander de travailler plus longtemps, alors qu’ils ne sont plus en entreprise", observe Joseph Thouvenel, ancien vice-président de la CFTC et aujourd’hui directeur de la rédaction de Capital Social. L’ancien syndicaliste chrétien rappelle qu’Emmanuel Macron avait déclaré qu’il serait "hypocrite" de reculer l’âge légal de la retraite avant d’avoir résolu le problème du chômage.

Le besoin de solidarité et de justice sociale

Si une réforme du système de financement des retraites est nécessaire pour le bien commun, elle n’est pas urgente au point de passer en force au Parlement, car les comptes du régime des retraites sont aujourd’hui excédentaires et devraient l’être de 3 milliards cette année. Même si le déficit sera de 0,5 à 0,8 points de PIB dès cette année et pour 10 ans, selon une estimation provisoire du Conseil d’orientation des retraites qui parle d’un trou de 20 milliards d’euros en 2032.

Un chiffre certes relativement proche mais qui, comparé aux 171 milliards de déficit budgétaire immédiats de 2023, interroge sur la hiérarchisation des urgences et le silence quant aux nécessaires ajustements budgétaires et sur le souci de ce bien commun. Ce souci est jugé insincère par les Français quand les efforts ne sont pas partagés.

Ainsi, le Sénat a largement approuvé le report de l’âge légal de départ à la retraite, mais "comment accepter qu’une majorité de sénateurs votent la fin des régimes spéciaux, mais pas le leur ?", interroge Thouvenel qui rappelle que les sénateurs bénéficient de la retraite à 60 ans, 2200 euros après six ans de mandat. Et de souligner que "le déficit des retraites est essentiellement dû au public et aux régimes spéciaux mal gérés par les pouvoirs publics" :

"Certains régimes spéciaux doivent être réformés, d'autres non, comme pour les militaires ou les danseurs de l’opéra."

Un chiffre permet de voir que la gestion étatique n’est pas forcément la meilleure, contrairement à celle soumise à un certain principe de subsidiarité, remarque l’ancien syndicaliste :

"Les accords entre patronat et syndicats ont permis de maintenir les retraites complémentaires (obligatoires) du privé à l’équilibre, avec plus de 72 milliards d’euros de réserve."

Autre injustice, Thouvenel observe que la réforme aurait dû dire que "quel que soit son statut, l’exercice d’un même métier, dans les mêmes conditions donne droit à la même retraite", en prenant réellement en compte la pénibilité des tâches.

Si les sénateurs ont voté pour une surcote de pension montant jusqu’à 5 % pour les mères de famille, Thouvenel estime que "la réforme nécessaire est celle qui s'appuierait sur une politique familiale pro-active". Le vieillissement démographique n’est pas contré par une politique de natalité, ce qui conduit à une baisse du nombre d’actifs et donc à une baisse des pensions. En 2021, la proposition de pacte démographique de François Bayrou, haut-commissaire au plan, avait rencontré le silence du gouvernement.

Jean Sarpédon

Crédit image : Shutterstock/ Vernerie Yann

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