
Au Nigéria, les insurgés de Boko Haram ont tiré à bouts portants sur les villageois rassemblés, sans épargner les femmes ni les enfants.
M
ardi 9 juin, le village de Faduma Kolomdi au Nigéria a été attaqué par Boko Haram. 81 personnes ont péri dans ce massacre qui a duré 6 heures, 13 ont été blessées, 7 enlevées.
Le gouverneur de l’État de Borno, Babagana Zulum, s’est rendu sur place le lendemain. Il a dénoncé cette attaque « barbare », avant d’ajouter qu’il fallait « déloger les insurgés sur les rives du lac Tchad » grâce à des « efforts régionaux concertés ».
Partagée sur Twitter par @iamKurbe, une vidéo insoutenable révèle les dizaines de corps, laissés sans vie sur le sol. Son auteur interpelle le président Buhari.
« Ce ne sont pas des animaux, ce sont des êtres humains tués par les insurgés de Boko Haram dans le village du gouvernement local de Gubio, dans l’État de Borno. Président @MBuhari, vous avez été élu pour protéger la vie et les biens des électeurs, ces gens ont besoin de votre attention, eux aussi sont humains. »
En se rendant sur place, le gouverneur Zulum a écouté le témoignage poignant d’un survivant, dont les propos ont été repris par le Sahara Reporter.
« Les insurgés dans des camions armés et des chars blindés sont arrivés vers 10 heures hier (mardi). Ils ont opéré pendant environ six heures et sont partis vers 16 heures. Ils nous ont rassemblés et ont dit qu’ils voulaient nous dire un sermon religieux. Ils nous ont demandé de leur donner toutes les armes que nous avions. Certains villageois ont abandonné leurs pistolets, arc et flèches. Les insurgés ont prétendu qu’ils ne seraient pas violents. Soudain, ils ont commencé à tirer à volonté. Même les enfants et les femmes n’ont pas été épargnés, beaucoup ont été abattus à bout portant. Beaucoup ont commencé à courir. À la fin, de nombreuses personnes ont été tuées. Nous avons enterré des gens de 22 heures hier soir à 6 heures ce matin. Nous avons enterré 49 cadavres ici tandis que 32 autres cadavres ont été emmenés par des familles des villages qui nous entourent. Les insurgés ont enlevé sept personnes, dont notre chef de village. Ils sont partis avec 400 têtes de bétail. »
Un groupe du Parlement britannique vient de publier un rapport intitulé « Nigéria : Génocide en cours ? ». Ils y dénoncent la persécution des chrétiens commise par les militants de Boko Haram mais aussi par les éleveurs peuls.
« Il est difficile pour nous, dans l’Ouest, de seulement imaginer cette souffrance, alors il est important de donner la parole aux survivants. [...] En tant que parlementaires, je crois qu’il est de notre responsabilité de parler au nom de tous les survivants et les victimes de la violence, et de tous ceux qui souffrent mais qui ne peuvent pas parler eux-mêmes. »
Les parlementaires n’hésitent pas à parler de « crimes contre l’humanité » et de « génocide ».
« Comme les ministres du gouvernement nigérian l’ont publiquement et à juste titre admis, les chrétiens sont impitoyablement ciblés, en particulier à cause de leur foi. Indubitablement cependant, les musulmans pacifiques, à travers la violence collatérale, peuvent aussi devenir victimes de cette cruelle idéologie religieuse islamiste. C’est une idéologie destructrice et source de division qui se transforme facilement en crimes contre l’humanité et peut ouvrir la voie au génocide. Il ne faut pas hésiter à le dire. »
Ils dénoncent l’influence croissante des extrémismes islamistes dans le Sahel.
« L’escalade de la violence doit également être vue dans le contexte du pouvoir et de l’influence croissants des extrémismes islamiste à travers le Sahel. Plusieurs groupes, comme l’État islamique dans la province de l’Afrique de l’Ouest (ISWAP), une scission de Boko Haram et une filiale du califat affaibli de Daech en Irak et en Syrie, continuent d’étendre leurs réseaux au Nigéria, au Mali, au Niger, au Cameroun, au Tchad et au Burkina Faso. Alors qu’ils ne partagent pas nécessairement une vision identique, certains éleveurs peuls ont adopté une stratégie comparable à celle de Boko Haram et de l’ISWAP et a démontré une intention claire de cibler les chrétiens et les symboles de l’identité chrétienne comme les églises. L’APPG a reçu de nombreux rapports selon lesquels les pasteurs chrétiens et les chefs de communauté sont spécifiquement ciblés. Au cours de nombreuses attaques, des éleveurs auraient crié ‘Allah u Akbar’, ‘détruisons les infidèles’ et ‘anéantissons les infidèles’. Des centaines d’églises ont été détruites, dont plus de 500 églises dans l’État de Benue. L’évêque de Truro a conclu dans son rapport pour le Ministère des Affaires étrangères et du Commonwealth, ‘la dimension religieuse est un facteur qui exacerbe’ les affrontements entre agriculteurs et éleveurs et ‘dont la violence, qui cible les communautés chrétiennes pendant les cultes, suggère que la religion joue un rôle clé’. »
M.C.
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